mercredi 26 août 2015

En République tchèque et en Slovaquie, le rejet des migrants fait consensus




Le geste se voulait de bonne volonté, destiné à calmer le tollé provoqué par les déclarations du premier ministre social-démocrate slovaque, Robert Fico, d’accueillir sur son territoire 200 réfugiés « uniquement chrétiens de Syrie ». Bratislava proposait à l’Autriche voisine d’héberger provisoirement 500 demandeurs d’asile dans un foyer vide. En un éclair, les édiles de la commune concernée, Gabcikovo, sur les rives du Danube, à la frontière hongroise, ont organisé un référendum : 97 % des 5 000 habitants se sont prononcés contre tout accueil de migrants dans cette triste bourgade.
Au lendemain de la consultation, le 2 août, le ministre de l’intérieur, Robert Kalinak, assurait à son homologue viennois que « le résultat du référendum ne change [ait] rien à la proposition ». Mais à ce jour aucun migrant en attente d’asile en Autriche n’a encore été hébergé à Gabcikovo.
« La Slovaquie n’a aucun devoir » envers les migrants
Manifestation anti-migrants à Brno en République Tchèque le 26 juin 2015.
Collectifs ouvertement xénophobes
Même l’accueil de ces réfugiés chrétiens, les seuls dont Bratislava veuille, se révèle difficile. La société de Saint-Vincent-de-Paul, qui proposait ainsi d’accueillir plusieurs familles dans un ancien monastère qui lui appartient dans la commune de Ladce (nord-ouest du pays), a dû abandonner son projet face aux protestations des 2 200 habitants, dont 70 % se déclaraient catholiques au dernier recensement.
Selon les sondages, 80 % des Slovaques refusent l’accueil des migrants, quels qu’ils soient. L’essentiel des dirigeants politiques et de la presse surfe sur cette « xénophobie ambiante » et ce« refus de la différence qui caractérisent la société slovaque », selon les mots du rédacteur en chef du quotidien libéral Dennik N, Matus Kostolny. Rare voix discordante, le chef de l’Etat, Andrej Kiska, ose un discours à contre-courant et fustige l’attitude des dirigeants qui n’affrontent pas les « discours de haine et de peur ».
M. Kiska, qui fut lui-même migrant économique aux Etats-Unis au début des années 1990, appelle ses concitoyens à « davantage de bienveillance et d’ouverture » et les hommes politiques à« expliquer qu’aucune catastrophe sécuritaire, sociale ou culturelle ne menace » en accueillant quelques centaines de migrants. Et dans le cas de l’aide proposée à l’Autriche, le président rappelle que « ce pays a été solidaire dans le passé lorsqu’il a accueilli des dizaines de milliers de Slovaques » qui fuyaient le communisme.
Mais M. Fico ne semble pas convaincu : « La Slovaquie n’a aucun devoir, expliquait-il dernièrement au quotidien viennois Die Pressece n’est pas elle qui a provoqué le chaos en Libye en bombardant Kadhafi. » M. Kisko n’a pas inspiré non plus le porte-parole du Ministre de l’Intérieur, Ivan Netik, qui justifie le choix exclusif de 200 réfugiés chrétiens par « l’inexistence de mosquée en Slovaquie » et que des « musulmans  ne pourraient  donc pas s’y plaire ».


En République tchèque, c’est le président Milos Zeman qui a pris la tête de la croisade contre les migrants. Devenu expert dans l’amalgame réfugiés-islam-islamistes-terroristes, le chef de l’Etat veut déployer des milliers de militaires aux frontières du pays à titre dissuasif. Donnera-t-il l’ordre de tirer sur les réfugiés comme ses prédécesseurs communistes, lui qui consacre l’essentiel de ses discours à prôner le bombardement tous azimuts des « islamistes » ?
Le premier ministre, Bohuslav Sobotka, qui s’est engagé auprès de Bruxelles à accueillir 1 700 réfugiés, entre autres sous la pression du patronat, qui a besoin de main-d’œuvre, entend « les choisir ». Si l’adjectif « chrétien » est apparu dans la bouche de certains responsables, d’autres critères économiques et sociaux seront pris en compte.
Malgré ces précautions, les manifestations contre l’accueil de migrants se multiplient à travers le pays à l’appel de divers collectifs ouvertement xénophobes. L’un d’eux, le Bloc contre l’islam, créé par un professeur de biologie d’une université de province, Martin Konvicka, est le plus présent. De quoi pousser la communauté scientifique et les intellectuels à lancer un appel contre la xénophobie, signé par plus de 2 500 personnes. Le porte-parole du président Zeman, Jiri Ovcacek, a condamné cette pétition, qui « creuse le fossé entre les élites et le peuple ».
L’ex-président europhobe Vaclav Klaus (2003-2013), dont la plupart des collaborateurs et des conseillers figurent à la tête des diverses initiatives xénophobes, a, une fois de plus, fixé les termes du débat : « Nous faisons face, avec cette déferlante de réfugiés allogènes, à la plus grande menace en Europe depuis des siècles. » « Nous n’avons aucune obligation morale d’accueillir tous les réfugiés, affirme-t-il encore, et la seule solution est que les pays européens décident de renvoyer dans leurs pays d’origine tous ces migrants jusqu’au dernier. »

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