mardi 7 avril 2015

Le président tchèque ferme son château à l’ambassadeur des Etats-Unis

   Le chef d’Etat tchèque, Milos Zeman, a décidé de fermer les portes du château de Prague, le palais présidentiel, à l’ambassadeur des Etats-Unis, Andrew Shapiro, descendant de juifs tchèques et proche du président Barack Obama. M. Zeman, qui n’a pas été reçu par l’administration américaine lors d’un voyage à Washington le mois dernier, n’a pas apprécié que le diplomate critique sa participation aux commémorations de la fin de la seconde guerre mondiale, le 9 mai prochain, à Moscou.
   M. Shapiro avait déclaré la semaine dernière à la télévision publique tchèque qu’il trouvait « étrange » que M. Zeman assiste au côté du président russe, Vladimir Poutine, au défilé militaire sur la place Rouge. Le chef d’Etat tchèque devrait être l’un des rares dirigeants ouest-européens à se rendre dans la capitale russe, avec le premier ministre grec, Alexis Tsipras, et, peut-être, le président chypriote, Nikos Anastasiadis. La plupart des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne boycotteront les cérémonies du 70 anniversaire pour protester contre l’occupation de la Crimée et l’ingérence russe dans l’est de l’Ukraine.
   « Je ne vois pas l’ambassadeur tchèque à Washington dire au président américain où il doit se rendre pour ses déplacements », a déclaré M. Zeman pendant le week-end pascal au site d’information tchèque Parlamentni Listy, considéré comme l’un des nombreux relais prorusses du pays. « Je ne laisserai aucun ambassadeur dire quoi que ce soit au sujet de mes voyages à l’étranger. Je crains qu’avec cette déclaration monsieur l’ambassadeur se soit fermé les portes du château », a-t-il ajouté à la grande joie des dirigeants russes. Plusieurs hauts dignitaires du régime Poutine ont rendu un hommage appuyé à M. Zeman, et jugé que « les Américains perd[ai]ent leurs nerfs ».

Réaction « outrancière »

   Cet esclandre diplomatique entre Prague et Washington intervient au moment où pro-Russes et pro-Occidentaux s’affrontent ouvertement dans les médias, mais aussi dans la rue tchèque. La réaction de M. Zeman a été considérée comme « outrancière » par plusieurs membres du gouvernement de centre gauche de Bohuslav Sobotka, contraint de ménager le président et la ligne officielle de politique étrangère du pays, conforme à la position européenne.
   La saillie du président a eu lieu juste après une cinglante défaite médiatique des partisans de M. Poutine. L’appel des pro-Russes à manifester, la semaine dernière, contre le passage par la République tchèque d’un imposant convoi militaire américain qui rentrait de manœuvres dans les pays baltes en Allemagne s’est soldé par un fiasco. Des dizaines de milliers de citoyens ordinaires ont accueilli de leur propre initiative, le long des routes du pays, les troupes américaines, qui ont été surprises par cet accueil chaleureux : elles s’attendaient au contraire à des manifestations d’hostilité, car celles-ci sont très nombreuses sur les réseaux sociaux.
   M. Zeman rivalise avec l’ex-président europhobe Vaclav Klaus dans le soutien à Moscou. M. Klaus approuve le rattachement de la Crimée et accuse les Américains, et les Occidentaux en général, d’avoir fomenté la crise ukrainienne pour affaiblir la Russie. M. Zeman estime que la Russie n’intervient pas militairement dans l’est de l’Ukraine et désapprouve les sanctions, mais il a quand même condamné l’annexion de la Crimée.
   M. Zeman a expliqué qu’il irait à Moscou, le 9 mai, « en signe de gratitude » du fait que « nous ne sommes pas obligés de parler allemand » et « pour saluer la mémoire des 150 000 soldats soviétiques morts pour la libération de la Tchécoslovaquie ». Ces soldats sont pour la plupart tombés en Slovaquie, pays dont le président, Andrej Kiska, a refusé de venir à Moscou. Il leur rendra hommage, le 8 mai, en se recueillant dans plusieurs cimetières militaires en Slovaquie.

Article publié mardi 7 avril sur le www.lemonde.fr

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