dimanche 8 février 2015

Après le référendum pour "la famille traditionnelle" en Slovaquie, invalidé faute de participation suffisante

L'échec de l'Alliance pour la famille entrouvre la voie pour une reconnaissance légale des unions homosexuelles 



La déception était perceptible, dimanche 8 février, chez les fidèles rassemblés pour la messe dominicale dans les églises de Slovaquie, au lendemain du référendum contre le mariage de personnes de même sexe. En particulier dans les villages et villes du nord-est du pays, où la participation a parfois dépassé les 50%. Au niveau national, seul 21,4% des 4,4 millions d'électeurs se sont rendus aux urnes alors que la moitié des inscrits eut été nécessaire pour valider le scrutin. Même si plus de 90% des participants (944 209) ont voté oui aux trois questions (exclusivité du mariage homme/femme, interdiction de l'adoption par couples homosexuels et cours d'éducation sexuelle facultatifs pour les enfants), la tentative des conservateurs slovaques de compliquer toute évolution prochaine a échoué.

Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, Anton Chromik de l'Alliance pour la famille (AzR), a estimé que quelque "20% de participation était un excellent résultat". "90% des gens ont répondu oui. Oui à la famille, oui au mariage de l'homme et de la femme, c'est extraordinaire"s'est-il par ailleurs félicité à la télévision. Au QG de l'AzR, l'humeur était toutefois moins enjouée que ne le laisse penser ces déclarations. Les sondages prévoyaient une participation de 35% et les leaders de l'AzR pensaient au moins approcher les deux millions d'électeurs (plus de 40%) lorsqu'ils étaient interrogés au cours des derniers jours de la campagne.

                                                                                                             Anton Chromík

Un tel résultat, à défaut de valider le référendum, aurait toutefois placé l'AzR dans un autre rapport de force qu'elle ne l'est finalement avec moins d'un million de participants et moins de 900.000 "oui". Les dirigeants de l'AzR veulent néanmoins s'appuyer sur ce nombre. "Le presque million d'électeurs ont prouvé que ce thème leur tient à coeur, et l'opinion de ceux qui ne sont pas allés voter ne peut être pris en compte", a affirmé M. Chromík. Son collègue, le journaliste Peter Kremsky, a également mis en garde les libéraux et LGBT en leur lançant : "Ils sont naïfs ceux qui pensent que nous sommes maintenant en minorité".

                                                 Anton Chromík, Anna Verešová, Peter Kremský, dirigeants de l'AzR

Le "Kulkurkampf" continue

Les responsables de l'AzR n'ont pas encore fait part de leurs intentions pour l'avenir - outre quelques initiatives législatives en faveur des familles et des mères en congés maternité -. Il semble néanmoins qu'ils ne s'arrêteront pas là. Ils sont en effet conscients que les valeurs qu'ils ont défendues dans ce référendum sont largement partagées par leurs compatriotes, même s'ils n'ont pas estimés nécessaire de les défendre dans les urnes.

La campagne a laissé des séquelles qui vont mettre un certain temps à cicatriser. "Je ressens une tristesse et une désillusion après ce que ce référendum a apporté à notre pays", a déclaré à la presse le président slovaque Andrej Kiska, après avoir voté dans la soirée. Il ne pouvait pas mieux exprimer son amertume en attendant la fin de la journée pour se rendre au bureau de vote. Les dérapages homophobes qui sont intervenus pendant la campagne lui ont confirmé que ce référendum n'était pas le meilleur moyen de discuter de questions d'éthique et traitant de droits de l'homme.

                                                                          Manifestation du 22 septembre 2013 à Košice

L'Eglise catholique qui s'est particulièrement impliquée dans ce référendum depuis sa gestation au lendemain de la grande manifestation "pro-vie" de Košice en septembre 2013 jusqu'à la "Lettre pastorale" lue lors de toutes les messes du pays pendant le week-end précédent la consultation, va devoir gérer les désaccords de certains croyants et ses relations avec la société. Une partie a très peu apprécié son intervention massive, sinon brutale, dans l'espace public et politique. Aussi des voix se sont fait entendre pour réclamer la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Reste à savoir si un parti reprendra cette revendication à son compte et sera capable de l'inscrire à l'agenda dans les prochaines années.

Les militants LGBT connaîtront peut-être un succès plus rapide. Martin Macko, leader de l'initiative Inakosť (Différence), a estimé que l'échec du référendum rapprochait l'adoption du PACS en Slovaquie. La mobilisation de nombreux Slovaques qui ont manifesté leur soutien et solidarité avec les membres de la communauté LGBT en Slovaquie à la suite des attaques homophobes, a rendu confiant ces derniers. Même si les débats ont montré que les résistances à l'acceptation des homosexuels étaient encore fortes, la prise de conscience du problème est le début de la solution.

Le référendum a aussi confirmé ce que les sociologues avaient constaté au cours des dernières années. La Slovaquie est coupée en deux : un nord très conservateur et peu ouvert, un sud et ouest plus tolérant et libéral. Les départements peuplées majoritairement de Magyars ont connu une abstention record. La différence de participation a ainsi varié du simple au double entre la région de Prešov et Bratislava, Trnava ou Nitra et Banská Bystrica. 

Une carte très instructive figure ici (účast signifie participation) ou encore . Cette opposition entre deux Slovaquie recoupe la division entre la Slovaquie riche et pauvre, industrialisée et plus agricole, entre les régions où les investisseurs étrangers sont nombreux et celles où ils le sont moins, où la minorité rom est très présente (à l'est) ou moins. (Celle-ci n'a quasiment pas participé au référendum.)

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