Les organisateurs du scrutin du 7 février
veulent adresser un « avertissement à Bruxelles et Strasbourg »
BRATISLAVA
Près de 4,5 millions d'électeurs slovaques sont appelés à voter ce samedi depuis 7h du matin et jusqu'à ce soir 22h à l'occasion du septième référendum organisé dans le pays depuis son indépendance en 1993. Comme les précédents, à l'exception notoire de celui sur l'adhésion de la Slovaquie à l'Union européenne en 2003 qui avait attiré presque 53% des électeurs, il ne devrait pas être validé faute de participation suffisante (50,1% des inscrits).
Les Slovaques sont appelés à répondre à trois questions : définir dans la constitution l'exclusivité du "mariage" comme "l'union d'un homme et d'une femme", interdire l’adoption par des « couples ou groupes de personnes » homosexuels et permettre aux parents de soustraire leurs enfants à « l’éducation sexuelle et sur l’euthanasie » dans les écoles. La diction des questions ne laisse pas de doute sur le sens et la portée de la consultation qui intervient quatorze mois après un référendum en Croatie (décembre 2013) pour interdire dans sa constitution le mariage de
personnes du même sexe.
L’Alliance pour la famille (Aliancia za rodinu, AzR), à l’origine
du scrutin de samedi, s’est constituée dans la foulée d’un rassemblement de
l’Eglise catholique « contre l’avortement et la culture de la mort »
qui avait réuni 60.000 personnes à Košice (deuxième ville du pays, à l’est) en septembre 2013, et au lendemain du référendum croate. Grâce à la mobilisation de milliers de
bénévoles dans les paroisses et les associations catholiques essentiellement, elle a rassemblé 400.000 signatures au cours de
2014 sous une pétition réclamant la consultation. Aussi ne cache-t-elle pas sa
filiation ni le généreux soutien de la puissante Eglise catholique.
Elle affiche aussi clairement ses sources d'inspiration. Non seulement elle a copié le logo de la Manif pour tous qui orne ces jours-ci la cathédrale Saint Martin de Bratislava, mais les égéries d’« Au nom de la famille », la Croate Zeljka Markic, et de LMPT, Ludovine de la Rochère, ont aussi participé à la campagne référendaire slovaque marquée par de nombreux dérapages homophobes.
Elle affiche aussi clairement ses sources d'inspiration. Non seulement elle a copié le logo de la Manif pour tous qui orne ces jours-ci la cathédrale Saint Martin de Bratislava, mais les égéries d’« Au nom de la famille », la Croate Zeljka Markic, et de LMPT, Ludovine de la Rochère, ont aussi participé à la campagne référendaire slovaque marquée par de nombreux dérapages homophobes.
Le chef de file d’AzR, Anton Chromik, un
avocat de Bratislava, diplômé en théologie catholique de 38 ans, marié et père
de 5 enfants, veut « défendre et soutenir la famille menacée par divers
fléaux (divorce, alcoolisme, infidélité, violence conjugale, etc.) »
et surtout « privilégier le droit de l’enfant à un père et une mère aux revendications
des adultes ».
Considérant l’homosexualité comme un
« style de vie dangereux pour la santé », ce conservateur affirmé rejette
fermement tout nouveau droit pour le « lobby homosexuel ». En particulier,
il refuse la reconnaissance d’unions civiles entre personnes du même sexe,
« car, comme on le sait, cela conduirait Bruxelles et (le tribunal
européen des droits de l’Homme de) Strasbourg à obliger la Slovaquie à
permettre l’adoption ».
Si les sondages montrent qu’une grande
majorité des Slovaques adhèrent aux valeurs défendues par l’Alliance, ils
indiquent aussi paradoxalement que la participation au scrutin ne devrait pas
atteindre les 50% nécessaire à sa validation. Seulement dans les régions du nord-est de la Slovaquie, bigotes et conservatrices, elle pourrait atteindre ce seuil. Outre la forte abstention qui
marque généralement les élections en Slovaquie, les opposants au référendum appellent à le
boycotter.
Les libéraux estiment que la consultation est un « sondage bien coûteux » (6 millions d'euros) sur des questions qui, à défaut de ne rien changer à la législation en vigueur, creuse de nouveaux fossés dans la société où l’homophobie avait reculé.
Les libéraux estiment que la consultation est un « sondage bien coûteux » (6 millions d'euros) sur des questions qui, à défaut de ne rien changer à la législation en vigueur, creuse de nouveaux fossés dans la société où l’homophobie avait reculé.
La définition du mariage comme union d’un
homme et d’une femme est déjà inscrite dans la constitution slovaque depuis
l’an dernier. Le Premier ministre social-démocrate Robert Fico, candidat malheureux
à l’élection présidentielle de février 2014, avait espéré séduire l’électorat
conservateur en faisant cette concession au Mouvement chrétien-démocrate qui la
réclamait depuis l’indépendance de la Slovaquie en 1993. L’adoption par des
couples homosexuels n’est pas autorisée et l’éducation sexuelle n’est pas
enseignée dans les nombreuses écoles privées catholiques.
Le président slovaque, Andrej Kiska,
milliardaire et philanthrope, a convoqué à contrecœur ce référendum. Il a tenté
de sursoir à sa tenue en soumettant les questions proposées par la pétition à
la Cour constitutionnelle. Les juges ont retoqué la première question qui
voulait interdire tout avantage social et fiscal aux foyers de personnes de
même sexe, en raison de son caractère explicitement discriminatoire. Ils ont estimé, au grand dam des défenseurs des droits de l'Homme, que les trois autres questions pouvaient être soumises à référendum.
Aussi M. Kiska se tient-il en retrait et a-t-il juste indiqué qu’il irait voter « par devoir civique », à l’instar de la plupart des hommes politiques slovaques qui n’ont pas donné de consigne de vote pour ne fâcher aucun de leurs électeurs. Seul le Mouvement chrétien-démocrate (KDH) a appelé au vote et à cocher le "oui". De l'autre côté, le parti libéral SaS a clairement recommander le boycott. Le chef de l'Etat, conscient des risques de division dans la société, a même convoqué les évêques slovaques pour les inviter à « modérer le débat ».
Aussi M. Kiska se tient-il en retrait et a-t-il juste indiqué qu’il irait voter « par devoir civique », à l’instar de la plupart des hommes politiques slovaques qui n’ont pas donné de consigne de vote pour ne fâcher aucun de leurs électeurs. Seul le Mouvement chrétien-démocrate (KDH) a appelé au vote et à cocher le "oui". De l'autre côté, le parti libéral SaS a clairement recommander le boycott. Le chef de l'Etat, conscient des risques de division dans la société, a même convoqué les évêques slovaques pour les inviter à « modérer le débat ».
« Nous assistons à un affrontement
culturel ("Kulturkampf") au sein de la société slovaque éprouvée par vingt-cinq de
transformation économique, politique et sociale », estime le politologue
Grigorij Meseznikov. « Alors que les sociétés européennes continuent
d’évoluer, d’aucuns en Slovaquie voudraient sanctuariser ce qu’ils estiment
être le cœur de l’identité nationale et sentent menacé par le libéralisme
dont ils rendent responsables Bruxelles. » Pendant les années 1990 et jusqu’au
début des années 2000, « les nationalistes agitaient la menace que
représentait, soi-disant, la minorité hongroise pour la nation slovaque »,
rappelle M. Meseznikov. « Aujourd’hui, selon ces mêmes cercles, ce serait
les minorités sexuelles qui feraient courir des risques à la nation en menaçant
le modèle familial de reproduction ».
Malgré une religiosité des plus élevés
d’Europe (70% de croyants, dont 60% de fidèles catholiques), la Slovaquie affiche un taux de fécondité parmi les
plus faibles (1,3), quatre couples mariés sur dix divorcent et un tiers des naissances est issu de couples non mariés. « Des taux presque comparable à ceux constatés en
République tchèque, qui est la plus déchristianisée et dotée d’une législation
libérale pour les unions de personnes de même sexe », fait remarquer le
journaliste tchéco-slovaque Lubomir Szmatana.
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